Lorsqu’un contrat d’assurance-vie est transmis au décès de l’assuré, le choix des bénéficiaires est essentiel pour organiser au mieux la transmission.

Il est possible de désigner un bénéficiaire en usufruit et un ou plusieurs bénéficiaires en nue-propriété. Cette technique, appelée clause bénéficiaire démembrée, donne naissance à un quasi-usufruit.

C’est un outil très efficace pour protéger le conjoint survivant tout en préservant les intérêts des enfants.

Encore faut-il bien comprendre son fonctionnement, ses conséquences civiles et fiscales, et surtout, prendre les bonnes précautions.

Clause quasi-usufruit

1. Qu’est-ce qu’une clause bénéficiaire démembrée ?

Dans un contrat d’assurance-vie, le souscripteur peut librement désigner les bénéficiaires du capital décès. Il peut choisir de partager les droits entre un usufruitier (souvent le conjoint) et des nus-propriétaires (souvent les enfants). Cette répartition crée un démembrement de propriété sur les capitaux décès.

Selon les modalités de la rédaction de la clause bénéficiaire démembrée, l’usufruitier peut recevoir la totalité de la somme, avec le droit de l’utiliser comme il le souhaite. Il peut la dépenser, la placer, l’investir… en toute liberté. Cela s’appelle le quasi-usufruit.

Mais ce droit n’est pas sans contrepartie : à son décès, les nus-propriétaires auront un droit à faire valoir.

Ce droit, c’est la créance de restitution.

L’usufruit sur un bien consomptible, comme une somme d’argent, devient alors un quasi-usufruit.

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2 – Le fonctionnement du quasi-usufruit en assurance-vie

Il y a deux grands types de clause bénéficiaire démembrée :

  • L’usufruit « classique » : Lorsque le capital décès porte sur une somme d’argent, l’usufruit peut aussi d’exercer de manière « classique ». Dans ce cas, l’usufruitier ne peut consommer que les intérêts de cette somme placée.
  • Le quasi-usufruit : A contrario, si on rédige la clause bénéficiaire en mode « quasi-usufruit », l’usufruitier peut alors « consommer » et utiliser le capital.

Comment fonctionne le quasi-usufruit ?

En effet, au moment du décès et de la transmission de l’assurance-vie selon la clause bénéficiaire : le droit d’usufruit se transforme, de plein droit, en quasi-usufruit. Dans ce cadre, l’usufruitier devient propriétaire des sommes. Il peut les employer librement, sans avoir besoin de l’accord des nus-propriétaires. En échange, il s’engage à restituer une valeur équivalente à son décès. C’est cette dette de restitution qui est due aux nus-propriétaires. Elle sera portée au passif de sa succession.

Ainsi, même si l’usufruitier a tout dépensé, les enfants ou autres bénéficiaires en nue-propriété conservent un droit de créance sur la succession. Cela garantit un équilibre entre la liberté du conjoint et les droits des héritiers.

3- Pourquoi mettre en place cette clause ?

L’objectif principal est de protéger le conjoint survivant. En lui donnant l’usufruit des capitaux décès, il pourra continuer à vivre confortablement, gérer les fonds selon ses besoins, ou les réinvestir selon sa stratégie patrimoniale. C’est une solution souvent choisie lorsque le couple a des enfants communs, et que la confiance règne au sein de la famille.

Mais la clause démembrée a aussi un objectif successoral. Elle permet de transmettre une partie du patrimoine en nue-propriété aux enfants, tout en maintenant le contrôle entre les mains du conjoint. Au décès de celui-ci, les enfants reçoivent l’équivalent de leur part, sans que cela nécessite de nouvelles donations ou transmissions.

Enfin, cette clause peut présenter un avantage fiscal. Si les conditions sont bien respectées, la créance de restitution pourra être déduite de la succession de l’usufruitier, ce qui permet de réduire les droits de succession dus par les enfants.

4. Exemple chiffré

Prenons un exemple simple. Jean décède. Il avait souscrit une assurance-vie pour un montant de 500 000 €. Dans la clause bénéficiaire, il a prévu :

« Mon épouse, Claire, en usufruit ; nos deux enfants, Paul et Juliette, en nue-propriété. » + Nos experts IB Gestion Privée insèrent des clauses spécifiques de quasi usufruit permettant à Claire de disposer librement de la somme et même de la consommer…

Claire perçoit donc les 500 000 €. Elle peut utiliser cette somme pour financer sa retraite, acheter un bien, ou la placer comme bon lui semble. Elle devient quasi-usufruitière.

Paul et Juliette ne reçoivent rien immédiatement. Mais à la mort de leur mère, ils auront une créance de 500 000 € sur sa succession. Cette dette viendra diminuer l’actif successoral de Claire, ce qui allègera leur fiscalité, à condition que cette créance soit bien prouvée.

5. L’intérêt d’une convention de quasi-usufruit

Même si ce quasi-usufruit naît automatiquement du démembrement, il est fortement recommandé de formaliser la situation par une convention de quasi-usufruit. Ce document sert à :

  • Reconnaître formellement la dette de restitution,
  • Fixer le montant ou les modalités d’évaluation,
  • Prévoir des garanties pour protéger les nus-propriétaires (hypothèque, contrat d’assurance-vie, nantissement…),
  • Éviter toute contestation au moment de la succession.

La convention doit idéalement être signée et enregistrée dès le versement des capitaux décès, afin de lui donner une date certaine. Cela facilite sa prise en compte tant civilement que fiscalement.

6. Quelles précautions pour les nus-propriétaires ?

Les enfants, nus-propriétaires, ne doivent pas rester passifs. Ainsi, pour être certains de récupérer leur créance au décès de l’usufruitier, plusieurs éléments peuvent être prévus :

  • Exiger un inventaire des sommes reçues,
  • Imposer une indexation de la créance, pour compenser l’inflation,
  • Prévoir un remploi dans un bien qui sera démembré,
  • Obliger à souscrire une assurance-vie dédiée, avec désignation des nus-propriétaires en bénéficiaires.

Ces mesures ne sont pas obligatoires, mais elles apportent une sécurité juridique et financière utile, surtout en cas de famille recomposée ou de relations complexes.

7. Fiscalité du quasi-usufruit en assurance-vie

Fiscalement, la créance de restitution née d’un quasi-usufruit légal, comme celui issu d’un contrat d’assurance-vie, est déductible de la succession de l’usufruitier. Cela signifie que le patrimoine transmis est diminué du montant de la dette, ce qui réduit les droits de succession dus.

Mais attention : les règles fiscales ont été durcies en 2024. Pour que la créance soit bien déductible, il faut prouver que le quasi-usufruit n’a pas été mis en place dans un but purement fiscal. C’est pourquoi la convention joue un rôle essentiel.

Heureusement, les quasi-usufruits issus d’une clause bénéficiaire démembrée sont, à ce jour, exclus du nouveau dispositif anti-abus prévu à l’article 774 bis du Code général des impôts. Cela en fait un outil toujours performant, si bien encadré.

Conclusion

La clause de quasi-usufruit dans un contrat d’assurance-vie est un outil de transmission équilibré et efficace.

Elle permet de concilier souplesse pour le conjoint survivant et sécurité pour les enfants. Mais elle demande une réelle rigueur : une convention bien rédigée, des modalités de restitution claires, et un accompagnement professionnel permettent d’éviter bien des conflits.

Ce mécanisme, souvent sous-estimé, mérite d’être mieux connu, notamment dans une stratégie patrimoniale globale où il peut s’intégrer parfaitement.

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