Le régime fiscal des retraités frontaliers et polypensionnés vient de changer.
Jusqu’à présent, les prélèvements sociaux dus sur les pensions étrangères pouvaient être limités.
Depuis un rescrit fiscal du 11 août 2025, cette règle de plafonnement disparaît.

Désormais, les retraités qui résident en France et perçoivent des pensions de retraite étrangères doivent s’acquitter de la CSG, de la CRDS et de la CASA sans limite liée à leur pension française.

Cette évolution s’appuie sur un arrêt du Conseil d’État du 25 octobre 2024.
Elle modifie en profondeur la situation de nombreux retraités, en particulier des anciens frontaliers.

  1. Les prélèvements sociaux : rappel du principe

Les pensions de retraite étrangères perçues par un résident fiscal français sont soumises aux contributions sociales.
Trois prélèvements s’appliquent :

  • la CSG (contribution sociale généralisée),
  • la CRDS (contribution au remboursement de la dette sociale),
  • la CASA (contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie).

Ces contributions sont dues dès lors que deux conditions sont réunies :

  1. le retraité est résident fiscal français,
  2. il est affilié à un régime obligatoire d’assurance maladie en France.

En clair, un retraité français qui touche une pension de retraite française obligatoire est considéré comme affilié au système de santé français. Ses pensions étrangères entrent alors dans le champ des prélèvements sociaux.

  1. Pensions concernées : rente ou capital

L’administration fiscale confirme que l’assujettissement concerne toutes les pensions étrangères.
Cela inclut :

  • les pensions versées sous forme de rente,
  • les pensions versées sous forme de capital,
  • les pensions de réversion (versées au conjoint survivant).

Exemple :
Une pension issue du 2ᵉ pilier suisse est imposée en Suisse et en France.
En France, elle est soumise au barème progressif de l’impôt sur le revenu (ou au prélèvement forfaitaire de 7,5 % sous conditions).
En plus de cela, la pension est désormais intégralement soumise aux prélèvements sociaux.

  1. La fin du plafonnement

Jusqu’à récemment, une règle limitait le montant des prélèvements sociaux.
Les contributions sociales sur les pensions étrangères ne pouvaient pas dépasser le montant de la pension française perçue.

Exemple de l’ancien régime

Un retraité touchait :

  • 3 000 € par an d’une pension française,
  • 20 000 € par an d’une pension suisse.

Le calcul des prélèvements sociaux sur la pension étrangère était plafonné à 3 000 €.
Même si la pension suisse était importante, l’administration ne pouvait pas réclamer davantage.

Ce qui change aujourd’hui

Le Conseil d’État a jugé en 2024 que les règlements européens actuels (n°883/2004 et n°987/2009) n’imposent plus ce plafonnement.
Le rescrit du 11 août 2025 confirme que :

  • les pensions françaises et étrangères sont toutes assujetties,
  • le plafonnement disparaît,
  • cela vaut aussi bien pour les rentes que pour les capitaux.

  1. Qui est concerné ?

Le changement touche en priorité :

  • les polypensionnés : ceux qui ont travaillé en France et à l’étranger,
  • les anciens frontaliers : qui ont cotisé en Suisse, en Allemagne, au Luxembourg ou ailleurs,
  • les bénéficiaires de pensions de réversion étrangères : par exemple une veuve française percevant la pension de son mari décédé en Suisse.

À noter :

  • Les retraités qui perçoivent uniquement une pension étrangère (UE/EEE/Suisse/Royaume-Uni) sans pension française obligatoire ne sont pas affiliés d’office en France.
    Dans ce cas, les prélèvements sociaux ne sont pas dus.
  • En revanche, ceux qui perçoivent au moins une pension française sont affiliés, et donc soumis aux contributions sociales sur toutes leurs pensions.

6.Exemple concret

Prenons le cas de Jean et Claire, un couple de retraités vivant à Annecy.

  • Jean a travaillé 20 ans en France et 15 ans en Suisse.
  • Il touche une pension française de 5 000 € par an.
  • Il perçoit aussi une pension suisse de 25 000 € par an, versée en rente.

Avant le changement

Les prélèvements sociaux étaient calculés, mais plafonnés au montant de la pension française.
Jean payait donc des contributions sociales sur 5 000 €, même si sa pension suisse était bien plus élevée.

Après le rescrit de 2025

Le plafonnement disparaît.
Jean doit désormais payer les contributions sociales sur l’ensemble de ses pensions, soit 30 000 € au total.

Conséquence : ses prélèvements sociaux augmentent fortement.
Sa pension nette diminue, alors même qu’il n’a pas changé de situation personnelle.

  1. Des exonérations encore possibles

Même si le plafonnement disparaît, certaines exonérations restent applicables.
Elles dépendent du revenu fiscal de référence (RFR).

Ainsi, un retraité peut :

  • être totalement exonéré de CSG, CRDS et CASA,
  • bénéficier d’un taux réduit ou médian de CSG.

Ces mécanismes continuent de jouer.
Ils atténuent parfois l’impact de la suppression du plafonnement, mais seulement pour les foyers modestes.

7. Conventions fiscales et double imposition

La taxation des pensions étrangères dépend aussi des conventions fiscales internationales.
Certaines prévoient un mécanisme pour éviter la double imposition :

  • soit un crédit d’impôt,
  • soit une exonération avec application du taux effectif.

La France considère que les contributions sociales font partie de l’impôt sur le revenu.
Elles peuvent donc, en principe, être concernées par ces conventions.
Mais attention : certaines conventions les excluent expressément.

8. Analyse : une mesure défavorable aux retraités

Le nouveau régime marque un durcissement important.

  1. Charge accrue : les polypensionnés voient leurs contributions sociales augmenter parfois fortement.
  2. Inégalité ressentie : un retraité ayant travaillé en France et en Suisse paiera plus que celui ayant travaillé uniquement en France.
  3. Complexité : la vérification des conventions fiscales et des conditions d’exonération demande une expertise.

Ce changement met fin à une “tolérance” qui profitait surtout aux frontaliers.
Il illustre aussi la volonté de l’administration de sécuriser ses recettes.

En résumé

Le rescrit fiscal du 11 août 2025 marque une étape importante.
Il confirme que les pensions étrangères, qu’elles soient versées en rente ou en capital, sont pleinement soumises aux prélèvements sociaux en France.
Le plafonnement disparaît : les contributions sont désormais calculées sur la totalité des pensions, françaises et étrangères.

Les retraités concernés doivent anticiper une baisse de leur pension nette.
La planification patrimoniale devient essentielle.
La vérification des conventions fiscales et l’étude des exonérations possibles peuvent limiter l’impact.

Ce nouveau cadre appelle à une vigilance accrue, notamment pour les anciens frontaliers et les polypensionnés.
Un accompagnement spécialisé est souvent nécessaire pour optimiser la fiscalité et éviter les mauvaises surprises.

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